En l’an de grâce 1994, quelque part à Bruxelles, un petit chenapan réussissait du feu de Dieu sa cinquième primaire. Son père, ravit de la situation de son petit rejeton mais également de l’ainé, décida de leur faire une surprise.
« Venez mes enfants. J’ai quelque chose à vous dire… Je vais vous faire une grande surprise mais je ne vous en dit pas plus! ». Le petit et le grand, heureux de la nouvelle, insistèrent pour avoir un indice. Le père finit par céder: « Ça commence par un W ». Les deux garçons foncèrent prendre le dico et parcourir toutes les pages de la lettre en question. « Papa tu vas nous offrir un wagon? » dit le petit. « Non » répond le père. Et le grand de tenter d’autres mots: « On va en Wallonie? À Walibi? C’est du Whiskas? », « Non les enfants, ce n’est ni en Wallonie ni à Walibi mais le mot est bien dans le dictionnaire ».
Le père aimait gâter ses enfants, il n’a pas eu une jeunesse épanouie et par la contrainte a dû renoncer à continuer ses études après ses primaires. Les enfants sachant que leur père faisait de temps à autre des fautes de français demandèrent à celui-ci s’il ne se trompait pas sur la première lettre du mot! « Non, c’est bien un W, je vous laisse chercher, ce n’est pas pour tout de suite de toute manière ».
Le temps passa et les enfants ne pensaient plus vraiment à cette surprise. L’année scolaire était finie, débutèrent donc les grandes vacances. Le père réveilla les enfants très tôt: « Les enfants nous allons partir chez la famille mais avant nous devons accompagner votre tante à l’aéroport, de là on va prendre la voiture ». Le petit fou de rage: « Non je ne veux pas y aller, je veux dormir ». Le père insista et les voilà en voiture avec la tante en question. Le petit était révolté et même très surpris de voir une tante pas vraiment heureuse d’aller en voyage, il se dit qu’elle devait sans doute être fatiguée. Et puis, il se demanda chez qui pouvaient-ils bien aller par après, il espérait que cela soit des personnes qu’il appréciait…un minimum.
Arrivés à l’aéroport, la tante commença à embrasser tout le monde et s’en alla. « Maman, elle va où notre tante? » demanda le grand, « En Turquie, à la mer » répondit la mère. Et voilà qu’ils devaient tout de même l’accompagner à l’intérieur. « Dès qu’elle monte dans l’avion, on retourne prendre la voiture » rassura le père. Mais quelque chose perturba le petit, il repensa au manque d’enthousiasme de la tante, une personne qui va à la mer ne peut être que fou de joie. Et puis, la tante n’était plus dans les parages, « On va la retrouver plus loin » dit la maman. Et c’est là qu’en prenant l’escalator à l’aéroport le petit se rendit compte qu’il était emmené vers l’avion qui soit disant devait transporter la tante. Il demanda alors au père des explications! « C’était ça la surprise mon enfant, je vous emmène tous en vacances en Espagne ». « Papa, c’était donc ça! Mais Espagne ça commence avec un E, c’était quoi le mot débutant par W? La réponse du père fut magistrale: « Le mot c’est Woyage! »
Ce fut un magnifique voyage, un des plus beaux moments de ma vie. Cela fait bientôt 20 ans et je n’oublie toujours pas que j’ai un père formidable.
